Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

Dans le pas de Calais, le plus grand naufrage de migrants depuis 2021

Un cocktail était organisé ce matin-là, au centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (Cross) de Gris-Nez (Pas-de-Calais). Dans ce vieux bâtiment qui surplombe la Côte d’Opale, où sont coordonnées les opérations de secours en mer, un membre de la direction fêtait son départ. Par temps clair, depuis Gris-Nez, la vue est imprenable et porte jusqu’aux falaises de Douvres, en Angleterre, que rêvent d’atteindre les migrants qui s’élancent depuis plusieurs années maintenant dans le détroit du Pas-de-Calais. Ils sont déjà plus de 20 000 à avoir réussi la traversée en 2024, à bord de petites embarcations pneumatiques.
Mardi 3 septembre, alors que le cocktail battait son plein, un drame s’est invité sous les fenêtres du Cross. Un sinistre ballet de bateaux s’est mis en mouvement, à moins de 3 kilomètres des côtes. Il y avait là des bâtiments de pêche, un patrouilleur des douanes, un navire affrété par l’Etat, des moyens de la Société nationale de sauvetage en mer et même, dans le ciel, des hélicoptères. Tous recherchaient des rescapés après qu’une embarcation chargée de soixante-cinq migrants avait fait naufrage.
Mardi soir, le bilan provisoire communiqué par le procureur de la République de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), Guirec Le Bras, faisait état de cinquante et une personnes secourues – dont plusieurs dans des états d’hypothermie sévère et deux en urgence absolue –, deux disparues et douze décédées, parmi lesquelles dix femmes et six mineurs. Les victimes seraient originaires, pour la plupart, d’Erythrée. C’est le plus lourd bilan établi dans cette région depuis le naufrage survenu le 24 novembre 2021, au terme duquel vingt-sept corps sans vie avaient été retrouvés.
D’ordinaire, Gaëtan Baillet pêche des homards. Mardi, il a vu « des corps flotter ». Le patron du caseyeur boulonnais La Bretonne a répondu au message d’alerte Mayday diffusé peu après 11 heures par le Cross, qui demandait aux embarcations disponibles sur zone de porter secours à des personnes en mer. C’est la première fois que Gaëtan Baillet sort un cadavre de l’eau. « C’est un peu choquant », dit-il pudiquement. Son cousin, Axel Baheu, à bord du fileyeur Murex, a récupéré, avant lui, trois cadavres. C’était la première fois aussi, et il en a pleuré.
Peu avant 8 heures, le groupe de quatre-vingts migrants avait pris la mer depuis la grande plage des dunes de la Slack, à Wimereux. L’Abeille-Normandie, un remorqueur de l’Etat présent au large en surveillance, avait entrepris de les suivre. Selon un principe de prudence, les secours en mer n’interviennent qu’à la demande des passagers ou en cas de chavirement. D’après nos informations, quinze personnes seraient montées à bord de l’Abeille-Normandie, désireuses d’être secourues. Soixante-cinq autres auraient poursuivi leur traversée.
Il vous reste 64.41% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

en_USEnglish